PROPOSITIONS DANS LE CADRE DE LA NEGOCIATION DIALOGUE SOCIAL

ARGUMENTAIRE MILITANT

D’où viennent nos propositions ? Comment ont-elles été précisées et validées ?

Nos propositions traduisent les orientations de notre 50^ème congrès confédéral, elles s’inspirent et prolongent les repères revendicatifs de la CGT.

Une CGT « utile, accessible, solidaire», tel est le résumé des orientations adoptées par les syndicats au congrès de Toulouse. Tous les salariés doivent pouvoir se reconnaître dans la CGT, quelles que soient leurs diversités, quelle que soit la taille de leur entreprise.

Quoi de plus normal que nos propositions traduisent cet objectif ? C’est même un devoir de la direction confédérale au regard du mandat qui lui a été confié par les syndicats. Il permet de s’engager dans la négociation interprofessionnelle sur le dialogue social avec des propositions pertinentes et conformes aux décisions prises par les syndicats de la CGT.

Nos propositions, reprises dans les tracts mis à disposition, couvrent les ambitions que nous voulons donner à la démocratie sociale conformément à la deuxième partie du document d’orientation qui traite ce sujet. Nous voulons faire de la démocratie sociale un instrument de citoyenneté des salariés, nous voulons qu’elle produise du progrès social, nous considérons le droit syndical comme une condition première de cette démocratie sociale, nous voulons étendre les attributions des acteurs de celle-ci.

Concernant les IRP, notre démarche s’appuie sur les enjeux et les objectifs de déploiement vers tous les salariés posés par la 3^ème résolution du document d’orientation « pour une politique ambitieuse de syndicalisation ».

Enfin, nos propositions s’inspirent et prolongent les fiches « Repères revendicatifs » adoptées par le CCN en novembre 2011 (fiches 17 à 20).

Les raisons qui ont conduit à adapter et préciser nos propositions à la représentation collective pour les entreprises de moins de 50 salariés :

Nous sommes partis de notre corpus revendicatif concernant les salariés des très petites entreprises (moins de 11 salariés).

La fiche repère N°17 invitait à rechercher une organisation interentreprises de la négociation collective et de la représentation des salariés à travers des commissions paritaires locales pour ces salariés.

La CE confédérale du 26 novembre 2013 avait précisé nos propositions en la matière : mise en place de commissions paritaires départementales composées de salariés élus issus de ces entreprises.

Mais nous avons aussi pris en compte l’état des lieux de notre présence réelle et de celle plus générale de l’ensemble du syndicalisme dans les entreprises allant jusqu’à 49 salariés.

Nous avons bien identifié cette faiblesse de présence auprès des salariés de petites entreprises ; faiblesse qui ampute considérablement notre capacité à rassembler tous les salariés. Plusieurs textes et résolutions de congrès ont abordé cette question, proposé des démarches et objectifs (Charte de la Vie Syndicale en 2003, texte de la commission ad hoc en 2009, résolutions 4,5 et 6 du 49^ème congrès, 3^ème résolution du 50^ème congrès, etc.). C’est aujourd’hui encore plus mis en lumière par l’état des lieux que nous permet l’analyse des résultats électoraux du cycle 2009-2013.

Que retenir de cet état des lieux ?

Au vu des remontées des procès-verbaux valides des entreprises mono-établissement du secteur privé (il est important de les distinguer des entreprises qui ont plusieurs, voir de nombreux établissements, dont ceux-ci sont parfois perçus comme des TPE/PME. Les salariés de ces établissements ne sont pas concernés par ce qui suit, mais par nos propositions pour les entreprises de plus de 50).
Seulement 2,9 % des salariés dans les entreprises de 11 à 20 salariés ont voté pour une organisation syndicale. 1,3 millions de salariés sont dans des entreprises de 11 à 20 salariés. Lors du dernier cycle électoral, 2,9 % d’entre eux (37 000) ont eu l’occasion de voter pour une liste syndicale aux IRP de l’entreprise. Les 27,6 % des suffrages exprimés obtenus par la CGT ne représentent en fait que 0,8 % de l’ensemble des salariés de ces entreprises.

Ces chiffres sont à peine supérieurs pour les entreprises de 21 à 49 salariés : 2,8 millions de salarié, 280 000 inscrits pouvant voter pour des listes syndicales, 174 000 votants, 52 000 voix CGT, donc 30 % de représentativité quand nous sommes implantés, mais 1,9 % des salariés de ces entreprises ont voté pour la CGT.

A noter que notre score dans ces entreprises est inférieur à notre score aux élections TPE qui s’est déroulé sur sigle en 2012, auxquelles 10,4 % des salariés concernés ont voté. La CGT obtient 29,5 % des suffrages exprimés en métropole, soit seulement 3 % du nombre d’inscrits.
Cette faible présence en IRP et en DS est confirmée par les enquêtes de la DARES (sources : DARES analyses, N°084 novembre 2014 et DARES analyses n°026 avril 2013).

C’est à partir de nos objectifs revendicatifs et de ces éléments que la direction confédérale a précisé les propositions CGT dans le cadre de la négociation. Deux CE confédérales (23 septembre et 24 octobre) ont été consacrées à ce sujet, elles ont validé la démarche et les propositions.

Par ailleurs, la délégation et le groupe d’appui à la négociation ont consacré 4 réunions avec les fédérations depuis le 18 septembre, des échanges ont eu lieu avec plusieurs secrétaires généraux d’UD, des secrétaires régionaux en fonction de la diversité des UD même si tous n’ont pu être contactés.

S’agit-il de faire disparaître l’obligation d’élections dans l’entreprise pour les moins de 50 ?

Non au contraire, non seulement nous ne faisons pas disparaître les obligations assorties aux seuils actuels, mais fondamentalement, nous abaissons le seuil du droit à des DP à toutes les entreprises de moins de 50 salariés. Nous sommes donc à l’opposé de l’approche patronale relayée par le gouvernement, faisant des seuils un frein à l’emploi.

Ce que nous prenons en compte c’est une réalité qui pénalise les salariés et le rapport de force : depuis une trentaine d’années que l’obligation d’organiser des élections dans les entreprises existe, nous constatons soit une absence de représentation, soit un développement des représentations de DP d’origine non syndicale.

De nombreux témoignages des camarades des organisations territoriales nous rapportent les mêmes conclusions. Dans les UD, les UL, nous recevons un nombre important de convocations à négocier des protocoles électoraux. Outre que nous n’avons pas les moyens pour aller négocier tous ces protocoles, il s’avère que le fait de négocier ces protocoles demande un investissement lourd en temps et en moyens militants. Nous sommes en difficulté pour solliciter des candidatures CGT et, quand nous y arrivons, la pression est telle que souvent nous nous retrouvons face à des élus « maison » au 2ème tour. Au final, nous n’avons pas de DP CGT. Qui n’a pas entendu un employeur parlant de ces délégués d’origine non syndicale, les qualifier de « mes délégués » ou encore leur donner comme mission d’être l’interface de la direction avec les salariés : « Vous êtes là pour transmettre les positions de la direction aux salariés. » ! Ce sont les mêmes patrons qui concernant le travail, indiquent à leurs salariés : « c’est moi qui vous donne du travail » ; une conception de fait qui a un vrai sens idéologique.

Les causes d’une non-représentation des personnels peuvent résulter aussi de « l’individualisme » existant dans notre société : « je règle mes problèmes moi-même ». Mais aussi d’une relation interpersonnelle entre le salarié et l’employeur, la proximité existante ne favorisant pas forcement l’échange avec les autres salariés sur l’attitude de son patron.

Nous voulons que l’organisation des élections dans l’entreprise devienne l’affaire des salariés eux-mêmes et qu’ils s’organisent syndicalement pour peser vis-à-vis de leur patron. Nous recherchons l’émancipation des salariés.

Il s’agit donc de gagner une représentation par des délégués du personnel d’origine syndicale dans toutes les entreprises. En outre, nos propositions élargissent la participation des salariés à la mesure de la représentativité syndicale au niveau interprofessionnel et au niveau de la branche.

A défaut, pour les salariés des petites entreprises ne disposant pas de délégués du personnel, par crainte de la répression patronale ou parce que c’est leur choix, nous proposons la mise en place de délégués territoriaux élus dans des commissions paritaires tous les quatre ans, à partir d’un scrutin sur liste syndicale et plus seulement sur sigle comme pour les dernières élections TPE.
Nos propositions génèrent-elles des risques pour les salariés des entreprises de plus de 50 ?

Il n’y a pas lieu de voir dans nos propositions un risque de remise en cause des droits dans les grandes entreprises. Au contraire le risque existe si nous laissons les salariés des entreprises de moins de 50 salariés - soit la moitié du salariat - sans représentation collective et sans syndicalisme.

A noter que nos propositions pour les salariés des entreprises de 11 à 49 salariés ne concernent que les entreprises juridiquement autonomes. Les entreprises de 50 salariés et plus à multi-établissements ne sont pas concernées par les commissions paritaires territoriales.

Au sens de l’INSEE et des nouvelles catégories d’entreprises, cela concerne les microentreprises (moins de 10 salariés ; elles représentent 22 % des salariés) et les PME non microentreprises (celles-ci ont en moyenne 30 salariés et sont très majoritairement des sociétés indépendantes ; elles occupent 30 % des salariés). Le cogitiel nous informe que seulement 7 % des syndiqués CGT sont dans ces entreprises.

Il s’agit donc de proposer des leviers d’implantation et de syndicalisation dans toutes les entreprises à partir de ce que vivent les salariés, de leurs aspirations et de la réalité de leur rapport au travail et à leur employeur.

Aussi, nous proposons de développer les droits dans les entreprises 50 salariés et plus, notamment les entreprises à établissements multiples en développant les droits de la section syndicale dans chaque établissement. D'ailleurs, nous avons obtenu dans le cadre de la loi du 5 mars 2014 sur la démocratie sociale la possibilité de désigner le DS sur un périmètre plus restreint que le Comité d’Entreprise. C’est un enjeu aussi pour développer notre présence à partir des lieux de travail, alors que le MEDEF entend accentuer la centralisation des droits.
Pourquoi des commissions paritaires territoriales, quelle articulation avec le niveau de branche ?

Aujourd’hui il existe des commissions paritaires sur plusieurs secteurs.

22 CPRIA (commission paritaire régionale interprofessionnelle de l’artisanat) s’occupent des salariés des TPE de l’artisanat. Nous sommes loin de ce que nous souhaitions, mais un sens est donné.

Pour les salariés des particuliers employeurs et assistantes maternelles qui vise à mettre en place des maisons régionales paritaires.

Nous sommes aussi en construction du dialogue social interprofessionnel pour les salariés des professions libérales (tous les salariés des professions libérales sont concernés) malgré des oppositions fortes de certains employeurs de ces branches. Concernant l’accord Artisanat, rappelons-nous l’opposition acharnée du MEDEF et de la CGPME contre l’accord que nous avions signé.

Les accords pour les salariés de l’artisanat comme pour les professions libérales ont été validés par le CCN. Celui concernant les particuliers employeurs, assistantes maternelles, a été validé et signé par notre fédération du Commerce. Il en existe aussi dans l’agriculture.

D’autres accords existent et concernent des professions comme les garages, le spectacle, ou sur des territoires comme dans les Hautes-Alpes. Aucune de ces commissions ne sont constitutives d’un recul des droits des salariés concernés ; certes elles ont des insuffisances, mais ces insuffisances peuvent aussi relever de notre insuffisance de prise en compte des possibles. Une cinquantaine de militants seulement sont les acteurs des actuels CPRIA de l’artisanat. Et pourtant ils se battent pour faire avancer les choses, et comparativement nous avons fait progresser des choses. Pour aller plus loin nous avons besoin d’un rapport de force plus puissant avec les salariés concernés pour qu’ils construisent eux-mêmes par leurs luttes, leurs avancées sociales.

Nous voulons que tous les salariés des petites entreprises( ils sont 8,5 millions) aient accès à une défense dans leur entreprise, une aide au dialogue social avec leur employeur, une aide à la négociation avec les employeurs concernés pour des droits collectifs et communs aux salariés, tels que :

Le droit à des activités sociales, culturelles et sportives ;
Le droit à la santé, à la sécurité dans les conditions de travail ;
Le droit à l’emploi, à la formation et à la gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) ;
Un soutien en situation économique difficile dans l’entreprise. Par exemple aujourd’hui dans la plupart des cas, quand une petite entreprise dépose son bilan, les salariés sont souvent démunis avec un seul représentant du personnel souvent nommé insidieusement par l’employeur face au tribunal du commerce et le résultat est souvent le même pour les salariés, il faut changer cela.

Nous proposons la mise en place de commissions paritaires territoriales par grands secteurs, qui s’appuieraient un peu sur l’existant, agriculture, artisanat, profession libérale, particulier employeurs, assistantes maternelles, … D’autres secteurs sont à construire : industrie, commerce, divers, … Ces commissions devraient avoir des dimensions territoriales en rapport avec le nombre de salariés sur les secteurs.

Des interprofessions, en somme par grands secteurs. Cela ne présente pas d’incompatibilité avec une articulation avec les branches à partir du moment où les prérogatives sont claires, que la hiérarchie des normes et le principe de faveur s’appliquent. Des conventions collectives prévoient parfois des droits pour les salariés des petites entreprises, il s’agit de les conforter dans le cadre de ces instances paritaires. Dans le même temps, nous prenons en compte les difficultés pour les conventions collectives à produire de la norme pour tous les salariés, notamment des petites entreprises. Ces constructions d’instances paritaires par grand secteur pourraient s’inscrire dans cet objectif en lien avec la restructuration des branches professionnelles.

Pour nous, il importe que ces élus des commissions paritaires soient issus des entreprises concernées, avec des mandats à mi-temps.

Nos propositions invitent à une démarche de déploiement, de syndicalisation vers ces salariés. Mais elles visent surtout à se donner les moyens de la réussir, en portant avec ces salariés les conquêtes sociales dont ils ont besoin. Cela nécessite une « confédéralisation » renforcée de notre démarche par un travail constant entre organisations, en lien avec l’adaptation de notre outil syndical.

Nos propositions favoriseraient-elles l’ « institutionnalisation » du syndicalisme ?

L’institutionnalisation dépend du contenu et de la démarche revendicative. On le constate malheureusement aujourd’hui avec les DP, CE, CHSCT qui sont pourtant des acquis syndicaux. Le patronat sait, dans bien des cas, détourner de leur rôle les délégués syndicaux et les élus IRP.

La seule garantie contre l’institutionnalisation, c’est de construire notre démarche dans la démocratie avec les salariés : contestation, propositions CGT, revendications élaborées par les salariés, action, négociation, consultation des salariés.

Sinon les ordres du jour sont le plus souvent fixés par les patrons et les réunions et groupes de travail sont multipliés pour nous éloigner de la rencontre avec les salariés.

Il existe des institutions représentatives du personnel pour les collectivités territoriales de moins de 50 agents ainsi que pour la fonction publique hospitalière. Elles nous permettent de défendre les salariés des petites mairies ou établissements de santé, elles nous permettent surtout de nous adresser à ces salariés en utilisant l’heure mensuelle d’information syndicale. C’est un formidable outil pour créer des syndicats et gagner de nouveaux IRP.

C’est le but que l’on s’assigne avec notre proposition de commissions paritaires territoriales.